La vie des mariniers
Exposition temporaire
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Du ven. 18/06/2021
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Au mar. 29/06/2021

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Tout public
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euro
Gratuit
Épris de liberté et de voyages, les mariniers voguent tout au long de leur vie sur l’eau. Mais à quoi ressemble le quotidien de ces nomades et de leurs bateaux ?
Curieux ? L’Amicale des Anciens des Canaux du Midi de la France vous invite à découvrir leur univers ! Vous y trouverez des panneaux explicatifs, des maquettes, le matériel de travail et de navigation ainsi que des objets du quotidien.
Entrée gratuite.
Du 19 juin au 29 juin 2021.
Du mardi au vendredi de 10h à 12h et de 14h à 18h
Et le samedi de 10h à 13h et de 14h à 17h
Vernissage ouvert au public le mercredi 23 juin 2021 à 18h00.
Vous avez manqué la conférence du 25 juin 2021 ? Pas de panique ! Vous trouverez ci-dessous un résumé :
Le transport fluvial et la vie à bord.
Ce n’est pas par hasard si cette exposition est présentée à Cazères. Depuis le 16ème siècle Cazères est l’un des berceaux du transport fluvial ; débuté sur les eaux difficiles de Garonne il sera perpétué par les bateliers des canaux du Midi à partir du 17ème siècle.
Cette population batelière est intimement liée au bateau qui est la fois le gagne-pain, le logement, le nid familial mais aussi et surtout liée à l’histoire du canal dont découlera son devenir au fil des siècles
Des décisions politiques et économiques autour de la gestion des Voies navigables ont conduit à la fin du transport fluvial dans le Midi et à la disparition de la batellerie professionnelle.
Pendant des siècles le transport des marchandises lourdes et volumineuses n’a pu se faire que par voies d’eau. Déjà les Romains les ont utilisées pour divers transports depuis l’intérieur des terres jusqu’à la mer par le Rhône qui était le lien entre la Gaule et Rome.
Une communication entre le Rhône, le petit Rhône et divers petits canaux près d’Aigues Mortes donnaient accès à la mer par le Grau du Roi. Les bateaux pouvaient aussi traverser les étangs et ainsi déposer leurs marchandises dans les ports.
Le transport fluvial existait aussi sur la Garonne, le Lot, l’Agout, la Dordogne, la Baïse, le Tarn, le Gers. Il existait donc déjà dans tout le Sud mais il est évident que c’est la construction du Canal Royal du Languedoc devenu Canal du Midi, qui va faire évoluer cette navigation qui n’engendrait que des transports de petits tonnages sur des secteurs géographiques limités.
Dès le 16ème siècle la batellerie a été florissante sur la Garonne ; on y transportait les Calcaires des Pyrénées ou les marbres de St Béat, les pierres de taille de Roquefort les bois pour la construction ou le chauffage, des matériaux de construction, les tissus de la manufacture royale de la Terrasse, mais aussi fruits et légumes pour les marchés toulousains. Toutes ces marchandises parties par la Garonne vers Toulouse pour alimenter la ville, pouvaient aller au-delà par charrette, puis plus tard par bateau par les canaux du Midi.
De même les coches d’eau pour le transport de passagers descendaient jusqu’à Toulouse en 6h environ mais les voyageurs revenaient en calèche car la remontée du bateau à bras d’hommes était trop longue.
Depuis le 17ème siècle de nombreux cazériens ont été bateliers, radeliers, patrons de bateaux, matelots, radoubeurs de bateaux, cantonniers de marine, charpentiers de marine, tout ce qui touche au fleuve et aux bateaux. Les familles Cazérienne ATOCH et LECUSSAN en font partie.
Les LECUSSAN ont construit un grand nombre de petits bateaux à fond plat pour la pêche du poisson ou du sable et des bateaux appelés cazériens.
Les ATOCH d’abord bateliers deviennent charpentiers de marine au début des années 1880 et construisent des bateaux pour le transport de marchandises sur les canaux du Midi.
L’ouverture du canal royal en 1681 va favoriser le développement de tout le Languedoc. Des projets pour réaliser une liaison fluviale entre Toulouse et méditerranée existaient depuis le 16ème siècle mais ce n’est qu’en 1666 qu’un projet de PP RIQUET présenté à Louis XIV par Colbert, permettra la réalisation du canal royal du Languedoc. Décidé par l’Edit de St Germain du 5 octobre 1666, le canal sera réalisé en 14 ans de 1667 à 1681.
A l’ouverture du canal du Midi de nombreux bateaux en bois de tout genre et de toutes dimensions, venant de tous horizons y ont navigué : coureaux de Garonne, gabarres de Dordogne, barques génoises ou catalanes avant l’arrivée des bateaux spécifiques au CDM.
A l’origine, ces bateaux du canal appelés barques marchandes ou barques de voiture étaient pontés et de petites dimensions. Ils ont évolué au fil du temps.
Tous ces bateaux ont transporté des denrées, matériaux et matériels en tout genre. Les échanges commerciaux ont impulsé un trafic fluvial important pour alimenter la foire de Beaucaire idéalement placée géographiquement comme carrefour fluvial et maritime ; plus tard la création du canal du Rhône à Sète améliore encore le volume de transport pour cette destination qui sera aussi, dès la création du canal, un premier débouché pour les vins du Languedoc.
Les produits arrivent à Beaucaire de 4 plaques tournantes :
– de Bordeaux jusqu’à Toulouse par la Garonne, avant la création du canal latéral à la Garonne, pour les produits venant des îles d’Amérique (sardines, harengs, morues, sucre, riz, café, coton de Louisiane, cacao, lin, thé, liqueurs, indigo et garance).
– de Toulouse pour les peaux, laines, calicots, faïence, poteries, fromages no
– de Sète pour les produits venant de Méditerranée : haricots, muscat, citrons, oranges, cédrats, huile d’olive, figues, raisins, chanvre d’Italie, pâtes de Gênes, amandes.
– de Lyon pour les produits venant du Nord : toile de Voiron, chapeaux, tissus, mercerie, cristaux, parapluies, quincaillerie, librairie.
Pour assurer ce transport florissant les bateaux vont évoluer et s’uniformiser : ils passeront ainsi de 19 m de long et 3.25 m de large à la construction du Canal Royal du Languedoc, à 24 m de long et 5.25 m de large en 1765 date à laquelle un recensement de la batellerie dénombre 224 barques de transport de marchandises qui naviguent sur ce canal. Enfin au début du 19ème siècle les dimensions maximales sont portées à 29m x 5.3m.
L’Edit de 1666 donnait à Riquet l’exclusivité de mettre des bateaux en service sur son canal, qu’ils soient pour le transport de marchandises ou de passagers, mais des difficultés financières les dernières années du chantier ont donné aux bateliers une possibilité de devenir indépendants ; en effet si Riquet a gardé l’exclusivité du transport de passagers par les barques de poste qu’il avait faites construire, les barques marchandes sont devenues celles d’une corporation d’artisans. Ceux-ci s’acquittaient régulièrement du paiement des taxes imposées par les héritiers de Riquet qui eux n’avaient plus à se soucier de la gestion compliquée d’une flotte de bateaux. Ainsi, d’un accord tacite est née cette population.
Ils ont transporté les vins du Languedoc, des blés du Lauragais et le sel d’Aigues Mortes et bien d’autres marchandises dès lors qu’elles étaient non périssables. Ils ont aussi fait des transports exceptionnels comme le marbre de Caunes Minervois destiné au palais de Versailles.
Ce n’est pas parce que les Riquet s’accommodent de cette organisation qu’ils ne font pas une surveillance discrète de cette population batelière : des registres tenus aux écluses portent le nom des barques et de leurs propriétaires mais aussi des appréciations sur les patrons : c’est ainsi que Caussy père est noté doux mais il ne faut pas s’y fier, Caussy fils très bon garçon de bonne race, alors que le fils cadet est un peu fier et arrogant, Douat très honnête homme illettré. Fabre est assez brave homme mais un peu exigeant, Courrech doux en apparence mérite d’être surveillé quant à bristaud très fainéant ainsi de suite tous les patrons sont fichés.
Jusqu’à la Révolution Française le Canal Royal du Languedoc est géré « en bon père de famille » par les héritiers de Pierre Paul Riquet.
En 20 ans, entre 1765 et 1785 le revenu brut du canal, image du trafic, augmente de 45%.
En 1789, le canal demeure la propriété des Riquet qui appartiennent à la noblesse. La nuit du 4 août entraîne l’abolition de toutes les servitudes féodales et la fin des privilèges ; ceux inhérents au canal en font partie et en 1792 le Canal Royal du Languedoc devient Canal du Midi. Une nouvelle organisation est mise en place avec des personnels des Ponts et Chaussées pour l’entretien et le fonctionnement et ceux des Finances pour la gestion, mais elle s’avèrera très mauvaise.
En 1808 Napoléon 1er décide la vente des canaux appartenant à l’Etat ; les fonds versés à la Caisse des dépôts et consignations sont partagés en actions et les actionnaires créent en 1810 la Compagnie du Canal du Midi ; le canal repasse sous administration privée
Dès 1826 un projet de canal parallèle au cours de la Garonne pour prolonger le CDM jusqu’à bordeaux est à l’étude alors qu’en 1827 la première ligne ferroviaire française est mise en service et en 1828 débute un projet de ligne Toulouse-Bordeaux. Il y a donc mise en concurrence entre le projet de ligne ferroviaire et celui du canal latéral à la Garonne dont la construction va connaître de nombreux déboires. L’époque est favorable au chemin de fer, symbole de progrès et de développement industriel et les instances politiques estiment qu’il se doit d’évoluer très vite.
Le projet initial confié à un privé ne va pas aboutir. Mais il est repris par l’Etat en 1838 ; la réalisation du Canal latéral à la G va durer 18 ans, fait par petits tronçons après des expropriations de terres agricoles qui ont été difficiles, des travaux régulièrement interrompus ; il sera finalement fait appel à des immigrés espagnols pour finir ce chantier.
En 1848, Louis Napoléon Bonaparte met en place une politique de partenariat public. Dns ce cadre en 1852, il accorde à la Compagnie des Chemins de Fer du Midi la concession simultanée de construction et d’exploitation de la ligne ferroviaire Bordeaux-Sète, et l’achèvement et l’exploitation du canal latéral à la Garonne. Ce dernier sera enfin ouvert à la navigation en 1856, au même moment que la ligne de chemin de fer bordeaux Sète.
Dans le même temps, cette compagnie sollicite la gestion du Canal du Midi, afin de se débarrasser totalement de la concurrence sur les transports du Sud. Le gouvernement estimant que cette compagnie doit avoir tous les moyens de réussir pour surmonter ses difficultés financières, lui accorde cette faveur qui va à l’encontre de l’intérêt général. Le CDM est donc mis en affermage pour 40 ans par un traité de mai 1858.
Naturellement, la politique menée par la Compagnie des Chemins de fer va favoriser complètement le trafic par voie ferrée au détriment du trafic fluvial ; elle impose un péage à la tonne, acquitté par les barquiers, et des règles tarifaires aux affréteurs qui empêchent la concurrence. S’en suit une forte chute du tonnage transporté sur les canaux du Midi. En effet, en 1898, le tonnage transporté chute à 18 millions de tonnes alors qu’il était de 110 millions en 1858 ; dans le même temps le tonnage du transport ferroviaire passe de 1 milliard à 2.2 milliards. En 40 ans les canaux du Midi ont perdu 80% de leur trafic.
De plus en 1879, la dimension des écluses sur tout le réseau français passe à 38.5m de long et 5.20m de large avec un tirant d’eau de 1.80m pour transporter des tonnages de 300 à 350t ce qui correspond au gabarit européen (Norme Freycinet) Naturellement la compagnie des chemins de fer ne s’y est pas conformée laissant ainsi le réseau fluvial du Midi en dehors de cette norme
Par contre en 1897 la CCI de Toulouse demande et obtient que soit mis fin à l’affermage ; l’Etat redevient propriétaire des canaux et supprime les péages, c’est un évènement pour le développement économique de la région ; dorénavant la navigation s’exerce librement et gratuitement ; le trafic remonte à 31 millions de TK en 1900 et 81 millions en 1910.
Les mariniers ont longtemps travaillé par contrat avec démarchage personnel de courtier. Cela posait des problèmes de concurrence pas toujours loyale, de conflits et de grande différence de niveau de vie. Par une loi de finance de 1912, l’Etat décide la mise en place de l’Office National de la Navigation (ONN) qui est chargée d’organiser les bourses d’affrètement avec tour de rôle, uniformisation des tarifs et obligation des courtiers de mettre leurs frets en bourse.
Les 2 guerres mondiales seront des périodes difficiles pour le transport fluvial ; les bateaux et chevaux sont souvent réquisitionnés par les Allemands, les hommes sont partis à la guerre et même si les femmes aidées des retraités ou des enfants ont essayé de continuer, le manque de fret et de carburant ont fortement diminué le trafic. En 1921 le tonnage transporté est descendu à 20 millions de Tk et la 2ème guerre mondiale a été aussi catastrophique ; le transport fluvial ne retrouvera son trafic record de 1856 qu’en 1960 avec l’exportation massive de céréales pour les pays d’Afrique qui assure un gros volume de fret.
L’espoir renait enfin au début des années 1970 par le lancement de la mise au gabarit européen ; les écluses du CLG sont allongées et dans la continuité l’allongement des écluses est commencé sur le CDM par les 2 bouts, au nord par les écluses de la traversée de Toulouse et 4 écluses en amont, au sud par le canal de jonction et celui de la Robine, ainsi que celles de l’étang de Thau jusqu’à Béziers ;mais l’Etat se désengage brutalement et les 124 km restants ne seront jamais faits devenant un verrou pour la navigation au gabarit Européen.
Le développement des autoroutes du Sud dans les années 1980 ont accéléré le déclin ; entre les années 1970 et 1980 le transport fluvial sur les voies d’eau du midi a complètement disparu.
C’est une corporation entière qui va disparaitre sur les canaux du Midi : même si plusieurs vocales les ont définis ils regroupent une seule et même profession, le barquier conduit une barque, le gabarrier une gabarre et cela indique aussi une origine géographique, la gabarre étant à l’origine un bateau de Garonne et la barque un bateau du Midi. Concernant les bateliers et mariniers, on est plus lié à une époque ; en effet ce n’est que dans les années 1940 qu’apparaît le terme marinier plus particulièrement dans le Midi, batelier se disant sur l’ensemble de la batellerie en France ; sans doute l’envie de se démarquer des autres de la part des gens du Midi ! Et sans doute une volonté de faire reconnaitre une position sociale, les bateliers ayant une connotation de miséreux à l’instar des bateliers de la Volga qui tiraient leur bateau « à la bricole » ne pouvant s’offrir un cheval.
A noter que les services de l’Etat ont toujours dit bateliers ; en effet ils publient des avis à la batellerie, terme générique de la profession
Les barquiers du Midi se mariaient entr’eux et à l’arrivée des « Gascons » lors de l’ouverture du canal latéral la fusion a été difficile.
En effet les patrons du Midi avaient un certain prestige par l’excellente connaissance du canal du Midi et de ses difficultés de navigation qu’ils transmettaient à leurs enfants depuis l’ouverture du canal. D’autre part beaucoup étaient devenus patrons de barque de poste ce qui était une reconnaissance de leur capacité et de leurs qualités humaines et professionnelles ; en effet l’embauche sur une barque de poste était soumise au préalable à enquête.
De fait les barquiers du Midi devenus bateliers de père en fils depuis plusieurs générations avaient une aura que les bateliers du latéral, arrivés beaucoup plus tard dans la profession, n’avaient pas. Finalement les Gascons préféraient naviguer sur le canal latéral où ils se sentaient plus chez eux.
Il est vrai que les situations géographiques des familles y étaient pour beaucoup et surtout les lieux de pensionnat des enfants. Il était difficile d’aller chercher les enfants pour un week-end dans le Bordelais quand on était à Sète ! Donc chacun restait au maximum de son côté.
De plus, les bateliers Gascons étaient souvent issus de compagnies où ils étaient salariés ils n’étaient pas considérés de la même façon ; jusqu’à la fin du 19ème siècle, une fille de patron artisan n’épousait pas un fils de « gascon », encore moins un matelot !
Mais les choses ont changé avec le temps et si on continue à se marier entre « gens de l’eau », il y a des mariages avec des matelots de compagnies, des enfants d’éclusiers ou de jeunes filles des campagnes environnantes situées près du canal.
Ces femmes venues « d’à terre » devenues marinières par amour de leur conjoint, qui ont vécu à terre jusqu’à leur mariage et embarquées au lendemain de celui-ci ont découvert tout à coup une vie qu’elles n’avaient pas vraiment imaginée !
La rusticité du quotidien ! l’eau potable qu’il fallait économiser… la lessive au baquet et à l’eau du canal qui était claire à cette époque, mais bien froide en hiver, le réfrigérateur à pétrole qui fumait noir si le bateau avait de la gîte, courir acheter le pain ou des produits frais en se débarquant à une écluse pour venir rattraper le bateau à la suivante mais aussi la peur dans des situations inconnues et particulières, la traversée de l’étang de Thau par grand vent, faire la vigie en Garonne les jours de brouillard ou manœuvrer en pleine nuit les jours de grande marée à bordeaux
Même si la vie à bord a gagné en confort au fil des siècles, elle n’a pas changé fondamentalement, les mariniers vivant dans un monde à eux, même s’ils côtoient la société environnante. Les conditions de vie à bord imposent de nombreuses contraintes auxquelles il est difficile de s’adapter pour qui n’est pas né dans ce milieu.
Les mariniers vivent en famille depuis toujours ; jusqu’au début des années 1950 les enfants naissent à bord, les marinières savent aider à l’accouchement ; si un médecin ou une sage-femme peuvent être présents parce que le bateau est accessible facilement c’est l’idéal, mais de nombreuses marinières ont accouché avec simplement l’aide d’autres marinières, sans doute comme autrefois dans les campagnes ! Et souvent l’enfant est déclaré quelques jours après dans le port d’arrivée du bateau !
Les enfants grandissent au bateau jusqu’à 6 ans, âge de leur première rentrée scolaire. Ils vont alors en pensionnat, dans la famille ou en famille d’accueil.
Le niveau scolaire est le plus souvent le certificat d’études, les garçons n’ayant qu’une envie, rejoindre le bateau des parents et devenir mariniers à leur tour après avoir épousé une marinière.
La scolarisation des enfants est le plus grand sacrifice imposé par le métier, tant pour les enfants que pour les parents ; les jours de rentrée des classes sont toujours très difficiles. Puis on attend avec impatience les vacances scolaires où n’étant pas trop loin on pourra aller chercher les enfants, en train ou en bus. Quelques fois la fin du trajet se fera à vélo ou à mobylette que le marinier aura laissé à une écluse près de la gare, afin que l’épouse puisse rejoindre le bateau qui a continué sa route.
Quand les enfants sont à bord, ils participent aux manœuvres des écluses et apprennent très tôt les rudiments du métier.
Pour les plus petits qui ne sont pas encore scolarisés, c’est d’abord l’éducation au danger car ils vivent dans un environnement « hostile » tant qu’ils n’ont pas appris à nager. Aussi cet apprentissage se fait tôt, dans le canal avec bouée et corde ; la majorité des enfants de mariniers apprennent comme cela.
Quand le bateau est vide, les enfants peuvent jouer dans le grand espace qu’est la cale mais aiment aussi aller « à terre » : ils peuvent suivre le bateau à pied sur le chemin de halage d’une écluse à l’autre, quand le bief est court. Dans les ports en attente de chargement ou de déchargement ils retrouvent les copains des autres bateaux. Ils ont alors les jeux communs à tous les enfants, mais peuvent avoir des activités plus originales : l’apprentissage de la rame ou de la godille avec le canot de sauvetage, la pêche à la canne en eau douce ou la pêche à la crevette en eau de mer à la tombée de la nuit le long des quais avec épuisette et lampe électrique. Leurs jeux tournent beaucoup autour de l’eau et des bateaux.
Plus grands, ils apprennent à amarrer, faire les épissures, empaillage des bonbonnes en verre, piloter…
A partir des années 1970 le déclin s’accélère pour plusieurs raisons :
- La politique nationale des transports qui subventionne la SNCF,
- La rapidité des routiers qui est appréciée par les courtiers
- La baisse des exportations qui implique de moins en moins de fret affiché au tableau de la bourse d’affrêtement
- Le choc pétrolier qui grève le budget le moteur consomme environ 1000l par voyage,
- La poussée des écologistes qui dénoncent l’allongement des écluses modifiant l’œuvre de Riquet
- – l’arrivée de la navigation de plaisance qui assure la pérennité de l’administration,
- La gestion de l’eau qui favorise l’agriculture,
- La décentralisation qui amène les pouvoirs publics à abandonner la vocation de transport fluvial du canal pour n’en garder que la vocation patrimoniale et touristique.
Les mariniers sont ainsi contraints de se « débarquer » : la chute est rapide et inexorable, entre 1975 et 1982 tous les bateaux de transport divers s’arrêtent. Le dernier pinardier sous contrat fait son dernier voyage en 1986 signant la fin définitive du transport fluvial sur les voies d’eau du Midi.
Les mariniers vont ainsi abandonner un métier qu’ils ont toujours connu et se sont transmis de père en fils depuis des générations, mais aussi abandonner leur bateau.
Ils vont devoir trouver du travail à terre et s’habituer à un mode de vie qu’ils connaissent peu. Quitter ce canal qui était toute leur vie est une blessure profonde qui mettra très longtemps à cicatriser.
L’intégration à terre se fera difficilement bien que chacun ait trouvé un emploi
Pour des gens avides de nature et de liberté, ayant toujours une vision d’espace dans leur quotidien celui-ci va devenir morose.
L’intégration sociale sera aussi très difficile ; issus d’un milieu tellement particulier, ils ont du mal à se lier avec les autres qui ne les comprennent pas. Ils ne connaissent que leurs métiers et n’ont d’amis que dans celui-ci. Aussi, pendant de nombreuses années ils ont « tiré un trait » sur cette fin empreinte de regrets et de difficulté à s’insérer dans une vie sociale qui leur est étrangère.
Les femmes n’ont pas forcément mieux vécu cette période mais ont trouvé du réconfort dans le fait d’avoir récupéré ceux de leurs enfants qui étaient encore d’âge scolaire leur évitant le pensionnat. Elles ont aussi apprécié le confort d’une maison.
Chacun a reconstruit sa vie tant bien que mal, entre Bordeaux et Sète selon la situation géographique familiale. Quelques années plus tard le besoin de se retrouver est apparu et a conduit à la création d’une amicale pour garder le contact mais aussi pour transmettre leur histoire aux générations suivantes afin que l’on n’oublie pas que pendant plus de 300 ans cette population a fait vivre la merveille de l’Europe comme on disait au temps de Riquet et qui sans eux n’aurait été qu’un ouvrage inutile.
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